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Mois : août 2016

Entrechoc

Choc 1.Recruter un ‘’post-doc’’….Jonathan, béotien patenté, interrogea son interlocuteur, directeur d’étude dans un laboratoire de recherche en biologie. Qui lui expliqua, très candidement, la situation. D’abord, décrocher le Graal, obtenir le budget de recrutement d’un poste temporaire. Le miracle.  Après appel à candidature, sélectionner les huit à dix dossiers les plus solides, auditer les heureux candidats, choisir l’élu(e). C’est-à-dire renvoyer à leurs déjà très, très longues études, les recalés.-Très longues études, ça signifie ?La réponse lui fit penser à l’adage, ‘’à question idiote, réponse idiote’’. Bac + 11. Tout simplement. D’où viennent donc ces ‘’post-doc ?’’ Issus  des universités niveau master et doctorat ou bien de grandes Ecoles. Le doctorat ? Minimum trois ans, rédaction d’une thèse sous la direction d’un directeur de thèse, soutenance de la thèse. Où tout ça mène-t-il ? Au mieux à un CDD. Et à quel salaire ? 1 800 euros par mois. Avec Bac + 11 ? Oui. Les recalés ? A la galère, aux petits boulots, à l’abandon, au départ à l’étranger.Un gâchis humain épouvantable. Une sous-valorisation catastrophique.

Choc 2.A peine remis de cette découverte précise, cataclysmique, Jonathan commit l’imprudence d’errer  dans les travées d’une ‘’grande surface’’, comme elles se dénomment, dans une autre type de recherche, alimentaire celle-là.Et un autre aspect de la réalité quotidienne s’imposa accidentellement à lui. Un couple de jeunes, tenant leurs deux enfants par la main, se hissait sur la pointe de leurs quatre pieds pour lire de près, ensemble, les étiquettes de prix de croquettes pour chien.– 4 euros, je suis sûre de les avoir vues à 3,70 euros ailleurs -Tu crois ? – Je ne crois pas, je suis sûre – Alors, viens, on les laisse.Est-ce que l’économie de 30 centimes permet aussi d’optimiser sensiblement un salaire de 1 800 euros se demanda Jonathan ?


Choc 3.Le présentateur du journal télévisé du soir lista en sommaire les différents sujets qu’il allait aborder. Puis s’empara du sujet majeur qui mobilisait aussi bien les têtes du gouvernement que les différentes forces politiques de la majorité comme de l’opposition, que les célébrités du monde de la sociologie, de la philosophie, que les instituts de sondage, que les instances religieuses des diverses confessions : l’apparition de cet ovni étrange que Jonathan mit un certain temps à identifier, le ‘’burkini’’.Loin de le lancer dans une rêverie ethno-érotique, ce fameux sujet majeur annoncé triomphalement, provoqua chez lui un mélange détonnant de stupeur, d’indignation et d’incrédulité profonde.Quel chemin a pu conduire une société entière à ce niveau d’indigence, comment une interrogation sociétale légitime peut-elle dériver dans une comédie  de combats ubuesques, de faux-culs et d’affrontement à coups de mentons mussoliniens ?Cet entrechoquement fit naître deux niveaux de réflexions Jonathanesques.Niveau 1La chaine de l’artificiel !La hantise de l’élection et/ou de la réélection mène les politiques par le bout de leur nez dans une recherche éperdue du gain de l’opinion par le plus grand facteur émotionnel possible. La hantise de l’audience pousse les médias à coller aux basques des politiques dans la chasse au plus grand dénominateur démagogique. Les réseaux sociaux relaient allègrement ce mouvement brownien, entretenant ainsi une représentation théâtralisée en apesanteur, ignorante de la réalité vivante.Niveau 2La société de l’artifice !La recherche du spectaculaire aboutit à caricaturer la dimension éthique, sociale et économique de l’intégration d’une minorité culturellement différente de la majorité. Là où l’orchestration devrait s’imposer, on bat le tambour. A mettre tous les feux de la rampe sur un sujet starifié, la société rejette dans l’ombre et occulte les vrais piliers de son devenir. Le traitement honteux, en dépit de grandes déclarations, de la recherche, le déni de priorité à donner à la jeunesse en termes d’emploi, de formation, deviennent les marqueurs…..Jonathan s’interrompit pour décrocher le téléphone qui sonnait, et pour entendre son ami chercheur lui crier-J’ai quand même oublié de te dire : en dépit de tout, les jeunes chercheurs sont en train de changer le monde.

Bi-dénigrement

La comparaison est quasi impossible, se dit Jonathan.
D’un côté, s’entremêlent plus de 60 millions de sujets, tous ardemment différents les uns des autres, sans compter leurs innombrables sujets de mécontentements. Et de l’autre 8 millions de citoyens, tous héritiers d’un passé extraordinairement divers et tous au rattachement présent à de leur nation-mère résolument singulier.
Ce qui ne les empêche pas de se comparer sans cesse l’un à l’autre, bien entendu. Au contraire même. Leur propre singularité rendant la singularité de l’autre incompréhensible, sinon insupportable.
-‘’De qui parles-tu ?’’ lui demanda son amie, alors qu’ils s’installaient à la terrasse d’un café place de la Bastille.
J’ai dû parler tout haut, s’étonna Jonathan qui pensait réfléchir pour lui-même.
-‘’Eh bien, des français et des israéliens’’
-‘’Bien sûr’’ répondit en écho, son amie fataliste.
Cette fois-ci, décidé à garder ses réflexions pour lui, Jonathan poursuivi sa rêverie éveillée. Et remonta à la source de son analyse comparée.
Revenu à Paris depuis peu, il était encore une fois surpris par la vision caricaturale que pouvait avoir majoritairement les français des israéliens. Les français, hors des idéologues extrême-gauchisants, hors des 5 à 10% des racistes pur-jus, irrattrapables irréductibles. Les français, gaulois à la Uderzo-Goscinny, monarcho-républicains, battants de la vie ordinaire, dopés au smartphone et aux infos continues. Mais aussi ses copains français, businessmen, intellos, universitaires, sportifs. Tous, tous portant un regard myope sur ‘’un pays guerrier,  prenant appui de sa position de fort parmi les faibles pour imposer, régenter, contraindre et, même, tuer’’.
Incapables par aveuglement politico-médiatique, par focalisation sur le négatif,  de percevoir ce que représente Israël,  d’hymne à la vie, de volonté créative, d’ouverture au monde, dans un environnement violent, où les aspirations légitimes sont enfermées dans un carcan d’immobilisme, de corruption, de terrorisme religieux.

De même qu’il était régulièrement confronté, lorsqu’il était à Tel Aviv, à la myopie inverse des israéliens sur la France. ‘’Sarfati !’’, comme disaient ‘’Ach ! Franzozen’’ en d’autres temps d’autres contempteurs du peuple français. Engoncés dans un habit historique devenu trop grand pour eux, non pas ‘’fiers et dominateurs’’, mais dominés par les autres et par la peur, envahis par une minorité musulmane oeuvrant à devenir rapidement majorité, condamnés à devenir de plus en plus antisémites, les français composent une nation autrefois amie d’Israël, maintenant amie des régimes du Moyen-Orient et condamnée à un rétrécissement irréversible.
Vision tronquée là encore par la doxa nationale politique et médiatique, ignorante délibérée de la richesse géographique, humaine, économique, culturelle, technologique, d’un vieux pays certes mais renouvelé de forces vives, d’un pays emberlificoté certes dans ses retards d’adaptation au nouveau monde mais suffisamment grand et fort pour y parvenir au cœur d’une Europe elle-même trop vite enterrée.
-‘’A dénigrement, dénigrement et demi ; ça pourrait ressembler à une crise d’amours malheureux’’, se surprit à dire Jonathan.
-‘’C’est vrai qu’ils semblent faits l’un pour l’autre’’ reprit son amie, perpétuant intuitivement sa réflexion intérieure.
-‘’Sortis de leurs oeullières actuelles respectives, ils se surprendraient et s’apercevraient très vite. Rien n’est plus proche d’un israélien qu’un français. Et inversement. Même richesse culturelle, créativité, richesse intellectuelle, conscience du monde. Et même, même arrogance, mêmes inégalités sociales et économiques, même médiocrité politique. Equilibre entre la supériorité de réalisme et d’efficacité pour l’un et la qualité de savoir-vivre et d’humanisme pour l’autre.’’

Jonathan se demanda soudain s’il avait prononcé ces derniers mots ou s’il les avaient gardés dans sa tête.
Il n’osa pas poser la question à son amie.

vite. Rien n’est plus proche d’un israélien qu’un français. Et inversement. Même richesse culturelle, créativité, richesse intellectuelle, conscience du monde. Et même, même arrogance, mêmes inégalités sociales et économiques, même médiocrité politique. Equilibre entre la supériorité de réalisme et d’efficacité pour l’un et la qualité de savoir-vivre et d’humanisme pour l’autre.’’

Jonathan se demanda soudain s’il avait prononcé ces derniers mots ou s’il les avaient gardés dans sa tête.
Il n’osa pas poser la question à son amie.