Un peu de physique élémentaire pour commencer. La relation entre ‘’identité’’ et ‘’image’’, appliquée à une entreprise, et on le verra, à un pays également, se conforme totalement au schéma optique reconnu.
Cette schématisation a au moins deux mérites immédiats : faire apparaître la dimension essentiellement dynamique du phénomène identitaire, inverser le phénomène habituel qui consiste à partir de l’image pour appréhender la réalité ainsi supposée.
Un soupçon de sémantique, pour suivre. ‘’L’identité’’ s’applique à la réalité du pays, sa vérité intime, ce que le maître André Siegfried appelait ‘’l’âme des nations’’. Elle est active. ‘’L’image’’, elle, est passive. Elle est construite par pure réception de signaux envoyés.
Quant à l’histoire, c’est celle d’un spécialiste de l’étude identitaire des entreprises qui, installé depuis peu en Israël, prend le pari osé d’appliquer à l’étude de l’identité d’Israël, la méthodologie mise au point, avec succès, pour la définition de systèmes d’identités d’entreprises. Avec, en conscience, que ce type d’étude ne ressort nullement d’une démarche académique, mais d’un objectif résolument opérationnel comme résolument prétentieux : éclairer les choix stratégiques, fédérer l’interne, optimiser l’image.
Retrouver le sens du sens
La réflexion identitaire est tout sauf anecdotique.
Eternelle, elle est mise en évidence par la permanence de l’assertion qui rebondit à travers le temps, du socratique ‘’connais-toi, toi-même’’ au ‘’sois toi-même ta propre lampe’’ de Bouddha, à la proclamation shakespearienne ‘’ être ou ne pas être, c’est là la question’’, et qui pourrait être prolongée en distordant le postulat cartésien ‘’Je me pense, donc je suis’’.
Ce rôle ontologique de la quête identitaire se heurte au temps moderne, quand la vitesse, l’instantanéité, le règne de l’image, la domination des médias, conduisent à la perte du sens de toutes choses.
L’expérience enseigne qu’une étude d’identité peut aider une entreprise à enraciner ses décisions stratégiques au cœur de sa personnalité, à canaliser le comportement de l’ensemble de ses collaborateurs, à orienter ses choix marketing, à particulariser son image en établissant une stricte corrélation entre sa politique de communication aussi bien interne qu’externe, et sa propre réalité.
C’est-à-dire, à donner un sens à son existence en tant qu’entreprise.
Est-il possible aussi, soit d’établir, soit de restaurer pour un pays, pour Israël en l’occurrence, pour la nation israélienne, pour son peuple, le sens de son existence, pour lui-même et pour le monde ?
C’est le pari de l’étude réalisée de Mai à Novembre 2012.
Un pari à double mise. A l’intérieur du pays, offrir à tous ses acteurs une opportunité de s’évader de leurs interrogations quotidiennes, de s’affronter à La question essentielle, d’en débattre sur le fond. A l’extérieur du pays, à prendre en compte par le bon bout la gestion de la marque ‘’Israël’’. Les pays sont maintenant devenus des marques. Ce fait, redoutable est devenu irréversible, incontournable.
Il oblige les Etats, sinon à s’opposer, au moins à se poser les uns par rapport aux autres. Sur ce plan, Israël, passé d’une image de marque extrêmement positive à extrêmement négative, en paie sans doute le prix fort.
Le discours de la méthode
D’abord, tout est observation.
Le premier temps de l’étude identitaire d’Israël a en effet été :
de prendre la photographie, la plus large possible, la plus précise possible, du plus grand nombre possible des facettes du pays, particularité actuelles, gouvernement et univers politique, diversité, armée, relation laïcité/religion, histoire, valeurs, sionisme, éducation, judaïsme, économie, internet, culture, évolutions, forces et faiblesses, image, futur ;
de prendre connaissance de son environnement, diaspora, conflit israélo-arabo/palestinien, relation Israël/islam, antisémitisme.
La clé majeure de la réussite de la prise de photo est, autant qu’il est possible, l’objectivité.
Une clé complémentaire a été de relativiser la composante politique de l’identité israélienne, compte-tenu de l’hypertrophie médiatique qui, très généralement, tend à la surexposer relativement à la vie réelle de la nation, infiniment plus composite et plus complexe.
La prise de vue est passée par l’interview de :
20 personnalités israéliennes, président d’un groupe industriel, business consultant, député, conseil financier, professeur d ‘université, chercheur en biologie, professeur de médecine, directeur d’une fédération sportive, directrice d’une compagnie aérienne étrangère, directrice d’un Think Tank, arabe israélien, pédiatre, gauchiste engagé, jeune avocat fiscaliste, animateur culturel,
10 étrangères, juifs et non-juifs, président de banque, avocate, président d’un institut de recherche, diplomate, high-tec h spécialiste, directeur d’un média, directeur d’une association France/Israël, business consultant, secrétaire allemande d’association.
La lecture attentive d’une vingtaine de livres consacrés ou évoquant Israël, comme autant d’interview des auteurs, additionnée de la compilation d’articles de presses, de consultation de sites web multiples et variés, d’études diverses suffisamment récentes, de visionnage de films traitant d’Israël, a complété la mise au point de la photographie.
La cuisine du chef
Sur le plan méthodologique, il s’est agit ensuite de quitter la posture d’observateur impartial et d’interpréter cette représentation de la situation identitaire d’Israël.
On peut en effet l’assimiler, à ce stade, à ‘’la cuisine du chef’’. Ou, plus positivement, au process consistant à tremper la pellicule dans un bain et à examiner ce qu’il en monte. Ou encore à la démarche du docteur qui, après avoir ausculté son patient de long en large, relève les éléments majeurs d’un diagnostic.
Quel que soit le comparatif, le malaxage de l’ensemble des informations recueillies permet de détecter les lignes de forces qui structurent la réalité observée et qui se conjuguent pour déterminer un diagnostic.
Plus ce diagnostic est précis et concret, plus il génère en regard l’explicitation, non pas dans le cas où nous sommes d’un remède ou d’un protocole et d’une ordonnance, mais d’un ‘’concept d’identité’’ et d’un ‘’système identitaire’’.
Le concept d’identité est, pour se référer de nouveau aux grand philosophes qui nous guident dans la recherche du Sens, l’Idée au sens platonicien du terme, l’Idée centrale, qui caractérise, anime ‘’l’âme israélienne’’. Dans le champ des nations, le concept d’identité d’Israël donne au pays son caractère unique, spécifique.
Axe de gravité, le concept identitaire est aussi la source d’impulsion d’un système d’identité qui, à la fois le supporte et qui le déploie.
Gérer les contradictions
Appliquée à la recherche d’identité d’Israël, cette méthodologie semble s’être révélée aussi clarificatrice de la réalité que surprenante dans ses résultats.
L’examen de la situation identitaire a ainsi abouti à extraire cinq facteurs déterminants du diagnostic et donc de l’identité.
La guerre qui a été livrée par ses pays arabes voisins dès sa création à l’état d’Israël, a généré un conflit israélo/palestinien qui lui-même a provoqué de nouvelles guerres avec les voisins arabes, et s’est engendré de lui-même un cercle vicieux que la menace du nucléaire iranien est en train de couronner. La résurgence de foyers d’antisémitisme dans le monde se rajoute au danger territorial, de telle sorte qu’Israël, en menace existentielle permanente, s’efforce d’équilibrer sa vie ordinaire avec une vie d’alerte constante.
Le judaïsme, consubstantiel à Israël, structure sa vie publique et enrichit la nation de ses valeurs intellectuelles et morales. Dans sa dimension confessionnale cependant, il tend à envahir la vie politique et perturber le mix séculier/religieux initialement défini. Etat juif et nation multi-ethnique, Israël s’efforce d’équilibrer communauté juive théocratique et nation socialement laïque.
Les valeurs initiales socialistes et idéalistes attachées au sionisme, le respect des valeurs morales et spirituelles relevant du judaïsme, ont conféré à la nation d’israël une dimension très spécifique. Mais la victoire du capitalisme, le processus d‘américanisation, l’individualisme croissant, ont graduellement amoindri cette base originelle. Israël , état nation fondé sur un substrat idéaliste et spirituel, s’efforce d’équilibrer cet effet de normalisation avec la solidarité nationale et le partage d’idéalisme que l’histoire et le danger présent demandent.
La perpétuation du conflit Israël /Palestine stimule un ‘’sionisme arabe’’, infecte la démocratie israélienne, crée une situation autistique où les mythes se mêlent à la réalité, au fanatisme, à la défiance réciproque, perpétue l’insécurité. Ilot démocratique, juif, au milieu d’un océan arabe, Israël s’efforce d’équilibrer son développement, sa sécurité, ses fondamentaux avec une cohabitation avec les palestiniens et son intégration régionale.
Start-up nation, pleinement dynamique, qui a réussi à construire dans un délai étonnement court un pays prospère autour de principes démocratiques, en dépit du manque de ressources naturelles, de guerres successives, de lourds investissements, d’intégration de vagues successives d’immigration, Israël s’efforce d’équilibrer sa performance économique par la correction d’inégalités sociales grandissantes, d’excès du capitalisme, de discriminations ethniques et d’affadissement de ses valeurs éthiques.
Israël retrouvé
Aristote disait, paraît-il, On se pose en s’opposant.
C’est exactement dans cette ligne aristotélicienne que se pose le diagnostic de la situation identitaire d’Israël. Israël oppose à ses contradictions internes, à ses dangers externes, une mobilisation permanente, vitale dans les temps passés, toujours essentielle dans le présent et pour le futur, de son dynamisme individuel et collectif, de sa créativité, de toutes ses facultés intellectuelles et morales.
Israël est :
Une force de vie
Ce concept d’identité d’Israël explique le caractère unique de sa résurrection et de sa destinée, à la fois son inscription dans le judaïsme et la rupture avec sa tradition de soumission aux circonstances, s’oppose radicalement à l’idée de mort dont ses ennemis veulent le rapprocher, renvoie aux valeurs originales de la création de l’Etat, donne à la marque ‘’Israël’’ une dynamique positive, devrait inspirer une réflexion stratégique pour la nation israélienne toute entière.
Sans, bien entendu, qu’il s’agisse de répéter, en sautant sur la table comme disait le Général De Gaulle, ‘’force de vie, force de vie’’.
Un ensemble de notions, issues de l’observation, structurent et déploient le discours identitaire israélien. Ces notions structurantes peuvent être rassemblées en trois catégories : Israël est une nation fondée et animée par des valeurs, une nation dédiée et engagée dans l’action, une nation enracinée et enrichie par la pensée.
Et chacune de ces trois catégories détermine un critère de style, trois critères donc, qui traduisent la dimension conceptuelle de l’identité israélienne à la fois en équivalent visuel et graphique, et en mode de comportement individuel et collectif.
Système référent, le système identitaire n’est nullement un instrument de contrainte et d’enfermement de toute créativité. Il est, de fait, tout le contraire. Système actif, il se veut inspirateur de création. En tant que source d’inspiration commune pour tous, il deviendra instrument de cohérence dans l’espace et de continuité dans le temps.
La force de l’identité
Le système d’identité défini en aboutissement de cette étude tentative, veut exprimer l’unicité de l’état-nation Israël, de son peuple, parmi les autres nations et les autres peuples du monde.
La Force de vie est d’abord nationale.
Elle transpire à Tel Aviv bien sûr, mais aussi dans les moshav, à Haifa, à Eilat, même à Sderot. Elle a permis d’apprivoiser les sévères conditions climatiques et géographiques, de traverser les guerres successives, d’absorber les transformations rapides de la société israéliennes. Elle a offert aux juifs du monde un pays indépendant, une terre pour leur futur. Elle se manifeste dans tous les aspects, économiques, culturels, technologiques, en agriculture. Elle a apporté une vie nouvelle dans une terre initialement désertique, elle a installé la démocratie, elle produit de la modernité et un standard de vie de type occidental. Elle a permis l’absorption de millions d’immigrants et unit en profondeur la diversité de la population.
La Force de vie est aussi individuelle.
Elle génère l’esprit d’équipe, l’esprit entrepreneurial, , la réactivité, la fierté d’appartenance, la prise de risque. Elle ouvre les esprits, évite l’introversion, stimule le goût des nouvelles technologies.
Les notions structurantes donnent elles-mêmes, vie à l’identité d’Israël.
Les valeurs de liberté, égalité, fraternité, même diminuées, restent présentes dans l’inconscient collectif, prêtes à être réactivées. Peuple de l’action, les israéliens l’audace par le pragmatisme et la recherche perpétuelle de l’efficacité. L’universalisme de la pensée israélienne, sa constante créativité constituent les éléments de base de la richesse du judaïsme fondateur.
En conclusion, trouvant dans son âme une irréductible ‘’Force de vie’’, le peuple israélien est un peuple soudé par la permanence de valeurs collectives, animé par un sens inné de l’action, et un appel généralisé aux ressources de la pensée.
Pour faire de ce socle identitaire une constante vivante, il doit avoir un comportement engagé, direct et humain.
L’identité retrouvée….et pourquoi faire ?
En premier lieu, il existe un risque permanent pour Israël de perdre son âme. Particulièrement dans sa situation de lutte constante pour la vie de la nation. La prise de conscience son identité devrait aider le pays à préserver son essence même.
En second lieu, la vérité identitaire prend une double signification.
A l’intérieur d’Israël, pour la nation, l’identité n’est pas un acquit, elle est un devoir. C’est le comportement engagé, direct, humain, qui permettra de perpétuer le lien entre l’individu et le collectif, de trouver l’équilibre entre l’efficacité capitalistique et la fraternité sociale, l’égalité des chances, , entre la protection des vertus de la religion et la limitation de son influence dans la politique et la vie civile, qui consolidera la démocratie.
A l’extérieur d’Israël, la projection de la réalité israélienne profonde fera de l’identité un instrument de connaissance. La vérité israélienne, radicalement inverse des clichés imposés médiatiquement, devrait faciliter le remplacement de la force de mort qui règne jusqu’à maintenant des deux côtés, en Israël et en Palestine, par la Force de vie. Elle devrait stopper la spirale de haine et de désastres, faire émerger l’écoute mutuelle, stimuler le dialogue, la recherche de coexistence, ouvrir surtout la voie d’un futur pour toute la jeunesse. Elle pourrait recréer un pont entre les deux grands courants de pensée au Moyen-Orient, le judaïsme et l’islam. Elle modernisera les religions en les nettoyant de leur fanatisme respectif. Enfin, elle donnera à la diaspora juive une vision et une dynamique nouvelles.
De la parole aux actes
Dans la mesure où la vérité identitaire d’Israël, sortie par cette étude, nue et fraîche du puît dans lequel le bruit et la fureur entourant le pays l’avaient plongée, apparaît fidèle et juste, cette vérité est à la disposition de tous les acteurs de la vie israélienne pour lui redonner vie.
En Israêl, seules les limites de l’imagination peuvent empêcher les secteurs de l’éducation, de la médecine, de l’industrie, de la culture, de la technologie, de l’agriculture, l’armée, la politique, de se servir du système identitaire d’Israël pour renouveler leur corpus d’idées et d’actions.
A l’étranger, le discours et la politique de marque d’Israël pourront trouver dans l’identité du pays un axe de gravité nouveau, différenciateur, riche. A titre d’exemple, l’axe d’image actuellement développé, ‘’l’innovation’’, appuyé sur un composant fort et reconnu de la réalité du pays, simple et valorisant, se révèle cependant insuffisamment différenciant et insuffisamment porteur de la richesse identitaire israélienne. L’axe de porteur de vie, contraire de l’image de porteur de mort, outre une réfutation directe, enrichirait la notion d’innovation dans un discours choc.
Le message final de l’étude sur l’identité d’Israël est, fort simplement :
C’est à vous.
Claude Meillet, 22 février 2012