Média : de la banalité de l’inversion
Une fois, c’est un très honorable grand quotidien français, qui n’a aucune raison a priori de distordre une information venant de l’étranger dans un sens ou un autre, qui écrit :Encore cinq Palestiniens ont été tués et un blessé samedi après avoir tenté de poignarder cinq Israéliens à Hébron et à Jérusalem-Est.
Cet‘’Encore’’ là vaut son pesant de signification donnée par le journaliste auteur de l’article à ce qui se présente comme la simple restitution d’une information. Sans compter l’inversion qu’on peut trouver difficilement anodine. Il aurait en effet été plus conforme à l’ordre des facteurs d’écrire : Encore cinq Israéliens poignardés à Hébron et à Jérusalem-Est. Cinq Palestiniens auteurs de ces attentats ont été tués et un sixième blessé.
Autre exemple d’une pirouette journalistique ‘’d’encore’’ plus belle facture. L’information délivrée par un autre grand quotidien français, tout aussi honorable, représente structurellement un cas d’école.
Le titre d’abord, comme l’on dit, ‘’parle’’ de lui-même :’’Mort de deux Palestiniens après l’attaque d’un Israélien’’
Le corps de l’article ensuite, d’une toute aussi éloquente clarté : Deux adolescents palestiniens ont été tués aujourd’hui par des soldats israéliens après avoir agressé un colon juif en Cisjordanie, annonce l’armée israélienne. Les deux jeunes gens ont fait irruption au domicile de ce dernier à Eli, une implantation juive proche de Naplouse. Le colon a expliqué au micro de la radio militaire israélienne qu’ils étaient armés de gourdins et ont commencé à le frapper avant qu’il ne parvienne à les chasser de chez lui. Roy Harel a ajouté qu’il avait également découvert un couteau devant sa porte.
Des soldats ont accouru sur les lieux. ‘’Face à la menace significative qui pesait sur les habitants de cette communauté, ils ont tiré sur les assaillants, provoquant leur mort ’’précise l’armée…..
Depuis Octobre, une vague d’agressions au couteau, à l’arme à feu et à la voiture bélier a été fatale à 28 Israéliens et à un étudiant américain ; Les forces israéliennes de sécurité ont tué au moins 172 Palestiniens, 114 présentés comme des agresseurs, la plupart des autres lors de manifestations violentes.
Tout y est, dans un art consommé du subliminal. L’accent majeur mis sur la mort des deux jeunes Palestiniens, qui après tout, n’avaient fait que pénétrer à 5H30 du matin dans une maison d’un ‘’colon juif’’ pour tuer toute une famille, le témoignage ‘’à la radio militaire israélienne’’ de ce colon qui n’avait fait lui, après tout, que de sauver sa famille, sans besoin qu’il soit d’indiquer qu’il avait été blessé dans son combat, les guillemets plaçant la déclaration de l’armée entre des pincettes, le décompte des morts dont 114 Palestiniens ‘’présentés comme des agresseurs’’.
La liste des distorsions pourrait facilement s’allonger.
Un petit dernier, succulent celui-là : ‘’Une Palestinienne tuée lors d’une agression au couteau’’. C’est le titre d’un article dans un hebdomadaire célèbre. Qui l’a agressée ? Ah, oui, elle a été tuée parce qu’elle agressait un soldat avec un couteau…. Le corps de l’article reste dans la même veine, bien entendu.
Paranoïa israélienne ?
Il est vrai que la chasse aux inversions de narrations, de distorsions de faits, est devenue constante, véhémente aussi, de la part des israéliens vis-à-vis de la façon dont les média en France, presse, radio, télévision, rapporte les drames de la confrontation israélo-palestinienne.
Réflexe pavlovien d’une population qui risque de voir dans toute information une attaque antisioniste, antisémite ou antisémite sous couvert d’antisionisme ?
Il est vrai que le cuir israélien est hyper sensible, peut-être trop hyper réactif.
Mais il est vrai aussi qu’il existe de bonnes raisons pour cela ; ça fait plus de 2000 ans que ça dure. Le juif, éternel coupable. On peut devenir conditionné pour moins que ça. Et l’espoir qu’avec l’existence d’Israël, les choses s’amélioreraient s’est petit à petit envolé.
L’unanimité du mauvais traitement de l’information sur Israël s’est seulement substitué à l’universalité du mauvais traitement des juifs eux-mêmes.
Une unanimité de la déformation des faits qui ignore d’ailleurs une double réalité, israélienne et israélo-palestinienne.
Une réalité Israélo-palestinienne, car l’illusion simplificatrice du bon et du méchant évacue, par calcul idéologique ou par facilité intellectuelle, la complexité de la situation du terrain. Il existe dans la vie démocratique de la société israélienne des partisans du statu quo, au pouvoir actuellement, comme des partisans d’une recherche active d’une solution
négociée la plus équitable possible. Et il existe aussi, dans une anarchie savamment entretenue par les mouvements extrémistes islamistes, une décomposition avancée d’une ‘’Autorité’’ Palestinienne qui n’en a plus que le nom, réduite à la gesticulation et à la surenchère. Et il existe comme toujours, deux populations qui aspirent fondamentalement à la paix, à un avenir apaisé pour les enfants des deux bords.
Une réalité israélienne, car l’inversion de la relation médiatique en France des faits liés au conflit, évacue un élément majeur de la situation.
Au-delà des drames surmédiatisés, l’inventivité, la solidité, l’inébranlable volonté de progrès de la société israélienne représentent une formidable potentialité de développement de la société palestinienne elle-même. Pour preuve déjà existante, la multitude d’associations liant des Israéliens et des palestiniens, sur le terrain, en dehors du jeu politique convenu, dans tous les secteurs d’activité, agriculture, technologie, éducation, scientifique, médical, culturel….Avec le plus souvent, des transferts d’expertises israéliennes vers les expertises palestiniennes.
Tout ceci étant dit dans l’espoir qu’un jour pas trop lointain, nouvelle expression de l’humour juif, une paix surprise entre les palestiniens et les israéliens obligera les médias français à opérer une inversion rétropédalée artistique dans leur exposé des faits.